LE FRENCHY : une marque distinctive pour désigner des parfums et des cosmétiques
En septembre 2020[1], la Cour d’appel de Paris a annulé une décision rendue par le Directeur général de l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI) qui avait rejeté la demande d’enregistrement de la marque verbale française « LE FRENCHY ».
Une décision de justice intéressante pour comprendre la condition de distinctivité, nécessaire à respecter pour déposer sa marque.
En 2016, la société GUERLAIN a souhaité déposer la marque verbale « LE FRENCHY » en classe 3, notamment pour désigner des parfums, crèmes et des cosmétiques.
Le Directeur de l’INPI a toutefois rejeté la demande considérant que le signe n’était pas susceptible de distinguer les produits susvisés de ceux d’une autre entreprise et qu’il pouvait servir à en désigner une caractéristique en indiquant au consommateur leur origine française et une certaine qualité, dès lors que la France a une réputation dans le domaine de la parfumerie et des cosmétiques.
La société GUERLAIN a alors formé un recours devant la Cour d’appel de Paris afin que cette dernière annule la décision.
Pour rappel, un signe peut être déposé à titre de marque notamment à la condition qu’il soit distinctif des produits et services qu’il va couvrir : par exemple le terme « chaise » ne saurait être adopté pour désigner des chaises mais le pourrait pour désigner un sac.
A cet égard, les signes ou dénominations qui peuvent servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment « l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l’époque de la production du bien ou de la prestation de service » sont dépourvus de caractère distinctif. [2]
La Cour d’appel de Paris devait donc se prononcer sur la distinctivité du signe « LE FRENCHY » à l’égard de parfums et autres produits cosmétiques.
Dans un premier temps, elle va constater qu’en l’espèce le public français ne percevra pas le signe « LE FRENCHY » comme un adjectif pouvant désigner de manière générique « le typiquement français » dans la mesure où ce terme évoque une personne représentant notamment un art de vivre à la française, un esprit, un style et non pas directement un produit d’origine française ou fabriqué en France.
Elle poursuit en jugeant que le signe « LE FRENCHY » constitue une combinaison syntaxique inhabituelle et arbitraire au regard des produits de parfumerie et de cosmétique et qu’il ne conduira donc pas le consommateur à établir immédiatement un lien avec ces produits.
Par ailleurs, elle précise que la combinaison d’un article de langue française associé de façon originale et arbitraire à un terme de langue anglaise confère au signe dans son ensemble un caractère distinctif suffisant pour désigner les produits de parfumerie et de cosmétique en permettant au consommateur de référence de distinguer ces produits de ceux provenant d’une entreprise concurrente.
Enfin, la Cour conclut que si le signe « LE FRENCHY » peut éventuellement faire référence à la France comme provenance géographique des produits, cette simple référence n’est pas de nature à lui donner un caractère descriptif. En raison de l’association originale d’un article français et d’un mot anglais familier, il présente effectivement un caractère arbitraire au regard des produits désignés et n’est pas déceptif dans la mesure où les produits ont bien une origine française.
Par conséquent, la seule référence à l’esprit français ne peut priver un signe, qui désigne des parfums et des cosmétiques, de caractère distinctif.
La distinctivité d’une marque, au même titre que sa disponibilité, doit ainsi s’apprécier impérativement avant tout dépôt et notamment faire l’objet d’une analyse juridique précise. Le Cabinet vous propose toute son expertise afin de vous accompagner dans vos démarches relatives au dépôt d’une marque ou lors d’un contentieux qui pourrait naître à cette occasion.
Par Julie Gautier, élève avocate
[1] Cour d’appel de Paris, 22 septembre 2020, n°RG 4245861
[2] Article L. 711-2 du CPI