Application « Stop Covid » & données personnelles

La sortie du confinement est un vrai casse-tête pour les autorités qui envisagent toutes les possibilités afin d’empêcher la propagation du Covid 19. Comme la Corée du Sud, la Chine ou encore Singapour, la France réfléchit à la mise en place d’une application de traçage numérique pour identifier les chaînes de transmission. Une proposition de loi a été déposée à l’Assemblée nationale le 7 avril 2020 et la CNIL a rendu un avis le 24 avril 2020 sur le développement d’une telle application.

L’objectif de l’application mobile « Stop Covid » est simple : enregistrer les données des personnes qui sont entrées potentiellement en contact afin de déterminer la source d’une contamination. Les utilisateurs qui se font tester positifs au Covid-19 devront ainsi fournir à l’autorité compétente l’accès à l’historique de l’application pour que cette dernière puisse avertir les autres utilisateurs que les malades auront croisés.

Si l’application devrait a priori être téléchargée sur la base du volontariat et devrait utiliser des données anonymes, de nombreuses questions se posent au regard de la vie privée et de la protection des données personnelles.

Différentes données seraient en effet traitées et notamment les données de santé dites « sensibles », dont le traitement est en principe interdit sauf exceptions. Le consentement de la personne en est une, tout comme la nécessité d’une prise en charge sanitaire ou encore si l’intérêt public dans le domaine de la santé publique le commande.

Au regard du contexte sanitaire, le droit des données personnelles n’interdit donc pas a priori la mise en place de cette application, d’autant plus si les données sont anonymes. Mais dans le cas contraire, notamment en cas de réidentification des utilisateurs, de nombreuses garanties s’imposent : définition explicite de la finalité du traitement, minimisation de la collecte aux seules données nécessaires, proportionnalité, durée de conservation strictement limitée, respect des droits des personnes, sécurité des données, etc.

De plus, si la proposition de loi déposée le 7 avril 2020 relative au développement de cette application envisage a priori le recours à la géolocalisation, c’est la technologie Bluetooth qui serait préférée par les autorités.

Lors de son audition en date du 8 avril 2020 devant la Commission des lois, la Présidente de la CNIL a ainsi rappelé que les applications qui s’appuient sur des données Bluetooth, c’est-à-dire qui sont chiffrées directement sur le téléphone, apportent plus de garanties que celles qui reposent sur un suivi géolocalisé. Mais elle a précisé que dans tous les cas, un suivi individualisé des personnes doit être basé sur le volontariat, avec un consentement libre et éclairé et que le refus ne devrait avoir aucune conséquence. En outre, elle a affirmé que la Commission contrôlerait la mise en place d’une application de traçage si les pouvoirs publics décidaient d’y recourir.

A ce titre, la CNIL a rendu un avis le 24 avril 2020 confirmant les dire de sa Présidente et précisant que le dispositif traitera des données à caractère personnel au sens du RGDP, notamment des données de santé dites « sensibles » et sera donc soumis aux règles de protection des données à caractère personnel. L’avis indique notamment que :

  • La finalité à définir ne devra en aucun cas être la surveillance du respect du confinement mais bien l’alerte des personnes exposées au risque de contamination ;
  • La base légale la plus appropriée serait le motif d’intérêt public « dans le domaine de la santé publique, tel que la protection contre les menaces transfrontalières graves pesant sur la santé » ;
  • La responsabilité du traitement devrait être assurée par le ministère chargé de la santé ou toute autre autorité sanitaire impliquée dans la gestion de la crise, compte tenu de la sensibilité des données collectées ;
  • Des mesures de sécurité organisationnelles et techniques de très haut niveau devront être mises en place ;
  • Et une information appropriée conformément au RGDP devra être fournie aux utilisateurs.

Il est certain que les technologies peuvent avoir un rôle utile dans la lutte contre la propagation de l’épidémie. Mais leur utilisation ne pourra être effective que dans le respect des garanties prévues par la loi, dans la confiance avec les individus et dans la mise en place d’autres mesures de protection complémentaires.

Par Julie Gautier, élève-avocate

Sources :
-Le Monde, « Smartphones, applis… les défis du pistage massif pour lutter contre la pandémie », article du 05 /04/2020 et « Coronavirus : Les applications de “contact tracing” appellent à une vigilance particulière », article du06/04/2020.
– https://www.cnil.fr/fr/crise-sanitaire-audition-de-marie-laure-denis-presidente-de-la-cnil-devant-la-commission-des-lois
– Proposition de loi n°2800 « visant à la création d’une application permettant d’établir et d’informer quant aux déplacements d’une personne contaminée lors d’une crise épidémique majeure ».
– Délibération n° 2020-046 du 24 avril 2020 portant avis sur un projet d’application mobile dénommée « StopCovid »

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Julie Gautier

Avocate collaboratrice

Inscrite au barreau de Marseille depuis 2021, Julie possède un Master 1 en droit des affaires, un Master 2 en droit de la propriété intellectuelle ainsi qu’un DJCE. Ses expériences au sein de Cabinets d’avocats et d’entreprises comme le Groupe M6 lui permettent de saisir les enjeux complexes de la propriété intellectuelle et d’accompagner les créateurs et entrepreneurs dans leurs besoins en la matière.

Egalement médiatrice, cette compétence enrichit sa pratique du droit pour faciliter le dialogue en cas de conflit et favoriser des solutions amiables et créatives.

Passionnée par la transmission, Julie intervient en tant que chargée d’enseignement au sein du Groupe Mediaschool où elle enseigne le droit du numérique. Elle accompagne aussi régulièrement les étudiants dans leur orientation professionnelle via la plateforme Myjobglasses pour partager son expérience.

En parallèle de son activité, Julie a été membre élue de la Commission du Jeune Barreau de Marseille de 2021 à 2024 et est membre de plusieurs associations, dont :

Julie adore l’artisanat et la culture provençale, et aime participer à la protection de ces domaines. Elle pratique également le yoga et la randonnée, des activités qui renforcent la concentration et la persévérance, des qualités essentielles pour exercer la profession d’avocat.

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