Le droit au respect d’une oeuvre ne saurait mettre en échec de manière absolue le droit de propriété

Principe fondamental, l’indépendance entre la propriété corporelle et incorporelle d’une œuvre fait souvent l’objet de contentieux.

Si le droit d’auteur offre de nombreuses prérogatives à l’auteur d’une œuvre de l’esprit, un équilibre doit toutefois être trouvé avec les droits du propriétaire du support de l’œuvre.

La Cour d’appel de Paris l’a récemment illustré dans une décision du 10 mars 2020[1]en jugeant qu’un auteur ne peut imposer au propriétaire du support une inviolabilité absolue de son œuvre.

Le litige opposait deux sculpteurs à l’origine d’un ensemble artistique réalisé en1993, contre un établissement public propriétaire de l’œuvre.

Les deux sculpteurs ayant constaté la dégradation de l’installation en raison d’actes de vandalisme et de vols avaient saisi le Tribunal de grande instance de Paris pour atteinte à leurs droits d’auteur et plus particulièrement atteinte au respect de l’œuvre.

Dans son jugement rendu le 23 mars 2018,le Tribunal avait jugé que l’œuvre pouvait bénéficier d’une protection au titre du droit d’auteur mais que l’établissement n’avait pas porté atteinte au droit moral des auteurs.

Suite à un appel interjeté par les époux, la Cour d’appel a confirmé que l’installation était une œuvre originale en raison de l’aménagement du site et de ses éléments, protégeable par le droit d’auteur et a également confirmé que les sculpteurs avaient la qualité d’auteur. 

Toutefois, elle rappelle que si le droit au respect s’impose aux propriétaires du support matériel de l’œuvre, le droit moral de l’auteur ne saurait mettre en échec le droit de propriété : l’auteur ne peut imposer au propriétaire du support matériel une intangibilité absolue de son œuvre.

Pour fonder sa décision, la Cour constate que l’établissement avait toujours pris l’initiative de protéger l’œuvre, notamment par le dépôt de plainte pour vols, par l’initiative de mettre à l’abri une partie des sculptures et par la surveillance du site et que cette protection ne pouvait être absolue au regard de son emplacement à ciel ouvert, de ses dimensions et des matériaux la composant, de sorte que l’établissement ne pouvait assurer son immutabilité totale.

Pour rappel, en application de l’article L121-1 du Code de la propriété intellectuelle l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre, ce droit moral étant perpétuel, imprescriptible et inaliénable.

En l’espèce de nombreuses démarches avaient été prises pour protéger l’œuvre.

Dans le cas contraire, et en l’absence de preuves en ce sens, l’atteinte au respect de l’œuvre aurait peut-être été caractérisée, d’où la nécessité de toujours veiller à sa protection et à sa conservation…


[1] CA Paris 10 mars 2020, n°18/08248

Par Julie Gautier, élève-avocate

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Julie Gautier

Avocate collaboratrice

Inscrite au barreau de Marseille depuis 2021, Julie possède un Master 1 en droit des affaires, un Master 2 en droit de la propriété intellectuelle ainsi qu’un DJCE. Ses expériences au sein de Cabinets d’avocats et d’entreprises comme le Groupe M6 lui permettent de saisir les enjeux complexes de la propriété intellectuelle et d’accompagner les créateurs et entrepreneurs dans leurs besoins en la matière.

Egalement médiatrice, cette compétence enrichit sa pratique du droit pour faciliter le dialogue en cas de conflit et favoriser des solutions amiables et créatives.

Passionnée par la transmission, Julie intervient en tant que chargée d’enseignement au sein du Groupe Mediaschool où elle enseigne le droit du numérique. Elle accompagne aussi régulièrement les étudiants dans leur orientation professionnelle via la plateforme Myjobglasses pour partager son expérience.

En parallèle de son activité, Julie a été membre élue de la Commission du Jeune Barreau de Marseille de 2021 à 2024 et est membre de plusieurs associations, dont :

Julie adore l’artisanat et la culture provençale, et aime participer à la protection de ces domaines. Elle pratique également le yoga et la randonnée, des activités qui renforcent la concentration et la persévérance, des qualités essentielles pour exercer la profession d’avocat.

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